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C’était la semaine de tous les honneurs pour le réalisateur Denis Villeneuve, qui a reçu avec émotion dimanche dernier l’Iris hommage du Gala Québec Cinéma pour l’ensemble de son œuvre, en plus d’apprendre que son film Dune : deuxième partie était en lice dans la catégorie du meilleur film dramatique à la 82e édition des Golden Globes.
Croulant sous les oscars, celui qui fut jadis un ado doux et timide réfugié dans son imaginaire, faute d’avoir du talent au hockey, est aujourd’hui considéré, à 56 ans, comme l’un des réalisateurs les plus influents au monde, grâce notamment au succès populaire et critique de ses films Incendies, Prisonniers, L’arrivée, Blade Runner 2049 et Dune.
Et ce n’est pas le plus grandiose : ce petit gars de Gentilly, dans le Centre-du-Québec, est aussi pressenti pour sauver le monde. C’est du moins ce qu’a laissé entendre la journaliste d’enquête américaine Annie Jacobsen mercredi dans La Presse, dans la foulée de la parution en français de son livre Guerre nucléaire : Un scénario (Denoël).
S’appuyant sur près de 50 entrevues avec d’ex-secrétaires à la Défense des États-Unis, des hauts gradés de l’armée américaine, des employés de la CIA, des ingénieurs en armement et autres experts patentés, la reporter décrit avec une minutie brutale comment une bombe thermonucléaire visant le Pentagone mènerait en un clin d’œil à la destruction de notre civilisation. Un scénario terrifiant à haut risque de se produire, lui ont confirmé ses interviewés. « Demain » ou « tout à l’heure », soutient-elle. Je ne me suis pas remise de son livre.
Or, Legendary Entertainment, la maison qui produit la trilogie Dune, a acheté les droits du livre d’Annie Jacobsen au printemps 2024, avec le souhait que Denis Villeneuve en fasse un film. Et c’est une nouvelle porteuse d’espoir, estime la reporter, car selon elle, le cinéaste québécois maîtrise la fiction de manière si puissante que ses images ont le potentiel d’éveiller les consciences des gens en position de prendre des décisions fatales pour l’humanité.
Après tout, note-t-elle, c’est aussi à un film apocalyptique qu’on doit un revirement majeur dans notre histoire. En pleine guerre froide, l’ex-président américain Ronald Reagan, qui avait fait des armes nucléaires le cœur de sa stratégie de défense contre la Russie, a opéré un virage à 180 degrés après avoir visionné Le jour d’après, un film sorti en 1983 qui raconte les lendemains d’une attaque nucléaire aux États-Unis. Il est ensuite devenu l’une des figures de proue du désarmement.
L’histoire ne dit pas si Denis Villeneuve se sent investi de la mission de nous éviter le cataclysme final. Il est à écrire le film qui clora sa trilogie, Dune : Messiah, et souhaite aussi adapter un roman-culte paru dans les années 70, Rendez-vous avec Rama.
C’est émouvant de contempler le chemin qu’a parcouru Denis Villeneuve dans le magnifique portrait qu’en a brossé la journaliste et romancière Isabelle Grégoire en février 2011. C’était un peu avant que Hollywood mette le grappin dessus — les grosses offres affluaient depuis Incendies, mais il ne voulait pas perdre son âme. On y découvre un cinéaste humble, déterminé, « noir et lumineux comme les héros de ses films », en quête de sa voie, de ces récits intimes qui mènent à l’universel.
Bonne lecture et bon dimanche,
Marie-Hélène Proulx, reporter
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